Actualité juridique

Barème Macron : Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe recommande à la France de réviser ses barèmes

Dans une recommandation en date du 6 septembre 2023, le comité des ministres du Conseil de l’Europe demande à la France « de réexaminer et modifier, le cas échéant, la législation et les pratiques pertinentes afin de garantir que les indemnités accordées dans les cas de licenciement abusif, et tout barème utilisé pour les calculer, tiennent compte du préjudice réel subi par les victimes et des circonstances individuelles de leur situation ».

Cette recommandation fait suite à la décision du Comité Européen des droits sociaux (CEDS) qui a jugé que la France violait l’article 24.b de la Charte sociale européenne. La motivation du CEDS est d’ailleurs reprise dans la recommandation du Comité des Ministres : les plafonds d’indemnisation prévus par l’article L.1235-3 du Code du travail ne sont pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et ne sont pas assez dissuasifs pour l’employeur. Il était également regretté l’absence de marge de manœuvre des juges dans l’examen des circonstances individuelles des licenciements injustifiés dans la mesure où ils ne peuvent prendre en considération les circonstances individuelles de l’affaire et, par conséquent, réparer intégralement le préjudice subi par les salariés.

Bien que non contraignante, cette recommandation constitue un cadre d’action fixé d’un commun accord par les États membres. Elle peut d’ailleurs être invoquée devant les juridictions françaises.

La recommandation sur le site du Conseil de l’Europe

Droit aux congés payés : la Cour de cassation écarte les dispositions de droit français non conformes au droit européen (et moins favorables aux salariés)

Par plusieurs arrêts rendus le 13 septembre 2023, la Cour de cassation se prononce clairement sur la question du droit à congé payé du salarié en arrêt maladie et écarte les dispositions du droit français, moins favorables au salarié, qui ne sont pas conformes au droit européen.

Ainsi, le droit français ne prévoit pas que le salarié en arrêt maladie (hors accident du travail ou maladie professionnelle) puisse acquérir des droits à congés payés pendant cette période (article L. 3141-3 du code du travail), contrairement au droit européen. Le droit français limite également à un an la période de congés payés à laquelle le salarié arrêté pour cause d’accident du travail a droit (article L. 3141-5 du code du travail), contrairement, encore, aux dispositions du droit européen.

Désormais, et pour mettre en conformité le droit français avec le droit européen, la Cour de cassation juge que les salariés arrêtés, et ce qu’elle que soit la nature de la maladie ou de l’accident, voient leurs droits à congés payés ouverts sur la période d’absence. Quant aux salariés arrêtés pour cause d’accident du travail, ils ne sont plus limités aux droits à congés payés à hauteur d’une année.

Enfin, et toujours pour mettre le droit français en conformité avec le droit de l’Union européenne, la Cour de cassation juge que le délai de prescription de l’indemnité de congé payé ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congé payé et, ce faisant, écarte la prescription triennale fixée par le code du travail. L’arrêt a été rendu concernant une reconnaissance de contrat de travail, mais cette jurisprudence devrait permettre aux salariés privés d’exercice effectif du droit à congés payés d’étendre leurs demandes au-delà de la prescription triennale.

Cour de cassation, Chambre sociale, arrêt du 13 septembre 2023, n°22-17.340
Cour de cassation, Chambre sociale, arrêt du 13 septembre 2023, n°22-17.638
Cour de cassation, Chambre sociale, arrêt du 13 septembre 2023, n°22-10.529
Communiqué relatif aux décisions rendues par la chambre sociale le 13 septembre 2023
Notice au rapport relative aux arrêts du 13 septembre 2023 Pourvois n°22-17.340 & 22-17.638 – Chambre sociale

La Cour d’appel de GRENOBLE écarte le barème « Macron » plafonnant les indemnités accordées en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Saisie d’une demande d’indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse par un salarié justifiant d’une faible ancienneté, la Cour d’appel de GRENOBLE écarte le barème d’indemnisation prévu par l’article L.1235-3 du code du travail au motif que les premières études de l’application concrète des barèmes confirment qu’ils ne permettent pas une indemnisation adéquate s’agissant particulièrement des salariés ayant une faible ancienneté.

La Cour retient notamment que le préjudice subi par le salarié du fait de la perte injustifiée de son emploi est particulièrement significatif compte tenu notamment de son âge et de ses perspectives d’emploi compromises.

Cour d’appel de GRENOBLE, Ch. sociale Section B, 22 juin 2023, n° 21/03352

Amiante : la Cour de cassation admet que le salarié dont le droit à réparation au titre du préjudice d’anxiété est éteint peut obtenir indemnisation d’une atteinte à sa dignité résultant du recours illégal à l’amiante

Dans son arrêt du 8 février 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation approuve la Cour d’appel qui avait jugé prescrite la demande de salariés au titre du préjudice d’anxiété mais avait fait droit à leur demande de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de loyauté, l’amiante ayant continué d’être utilisée en toute illégalité pendant plusieurs années et sans que les employés n’en aient été informés.

Dans son communiqué, la Cour précise qu’il doit être distingué deux types de préjudices, chacun correspondant à un manquement différent de l’employeur :

– Lorsque l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en utilisant une substance toxique autorisée sans mettre en œuvre les mesures de prévention des risques professionnels adéquates, ses salariés peuvent réclamer l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété ;

– Lorsqu’un employeur recourt illégalement à une substance toxique prohibée, commettant ainsi une infraction pénale, son exécution déloyale du contrat de travail porte atteinte à la dignité du salarié, lequel peut alors réclamer la réparation d’un préjudice moral, indépendamment du préjudice d’anxiété.

Cass. Soc., 8 février 2023, n° 21-14.451

Revirement de jurisprudence sur l’indemnisation de la faute inexcusable de l’employeur : la victime percevant une rente d’accident du travail peut désormais obtenir une réparation distincte de ses souffrances physiques et morales au titre du déficit fonctionnel permanent

Depuis 2009, la Cour de cassation considérait que la rente versée à la victime d’un accident du travail indemnisait les pertes de gains professionnels, l’incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent. Autrement dit, une victime d’un accident du travail ne pouvait percevoir une réparation spécifique pour ses souffrances physiques et morales dans la mesure où son déficit fonctionnel permanent était d’ores et déjà indemnisé par sa rente.

Désormais, par deux arrêts rendus en assemblée plénière le 23 janvier 2023, la Cour de cassation considère que la rente versée à la victime ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. Les victimes d’un accident du travail peuvent ainsi solliciter, en plus de leur rente, une indemnisation supplémentaire de leurs souffrances physiques et morales au titre du déficit fonctionnel permanent.

Cass., Ass. Plén, 23 janvier 2023, n°21-23.947

Cass., Ass. Plén, 23 janvier 2023, n°20-23.673

Licenciement économique : à défaut d’information personnelle et écrite énonçant le motif économique avant l’acceptation du CSP, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

La Cour de cassation rappelle que l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle intervient au moment où le salarié signe le bulletin d’acceptation. L’employeur étant obligé d’énoncer la cause économique de la rupture du contrat, il peut le faire dans le document écrit d’information sur le CSP,  dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement, ou encore, lorsqu’il ne lui est pas possible d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du CSP, « dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ». A défaut, l’employeur est en tort et le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Cass. Soc, 18 janvier 2023, n°21-19.349

La réforme de l’assurance chômage est adoptée : privation d’indemnités de chômage et présomption de démission pour le salarié considéré par l’employeur en abandon de poste, et procédure prud’homale spécifique

La loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi a été promulguée le 21 décembre 2022. Désormais, l’article L. 1237-1-1 du code du travail prévoit une présomption de démission du « salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur ». Le salarié est privé en conséquence d’accès aux allocations chômage. S’il entend soumettre à la juridiction prud’homale la contestation de son licenciement, il doit saisir le Bureau de Jugement directement, qui statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

LOI n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi

Un salarié qui critique les valeurs de l’entreprise exerce sa liberté d’expression

Un salarié critique et refuse d’adhérer à la politique de l’entreprise et aux méthodes de management de la direction. Son employeur le licencie pour insuffisance professionnelle en invoquant notamment ce motif. La Cour de cassation estime que le salarié exerce ainsi sa liberté d’expression. Elle confirme également que le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice de la liberté d’expression du salarié, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

Cass. Soc., 9 novembre 2022, n°21-15.208

Rôle du Président du CHSCT ou du CSE lors du vote d’une action en justice

La Cour de cassation retient que l’instance qui mandate un de ses membres pour agir et le représenter en justice pour garantir l’exécution de la décision de recourir à un expert constitue une délibération sur laquelle les membres élus du CHSCT (ou du CSE) doivent seuls se prononcer en tant que délégation du personnel, à l’exclusion du chef d’entreprise, président du comité.

Cass. soc. 19 octobre 2022, n°21-15.533

La mesure d’expertise RPS confiée par l’employeur à un cabinet externe n’empêche pas un CHSCT ou un CSE de voter une expertise pour risque grave

La décision de l’employeur de confier à un cabinet externe une mission d’analyse des risques psychosociaux n’empêche pas un CHSCT de voter une expertise pour risque grave. Cette décision a également vocation à s’appliquer aux CSE qui, en vertu de l’article L. 2315-94, peuvent également décider d’une telle expertise.

Cour de cassation 28 septembre 2022 n°21.25.703